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Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.

L’IMPOSSIBLE CHANGEMENT ?

 

Depuis mon dernier post sur ce paléoblog (un blog de l’ère d’avant), depuis que l’on est « maintenant », c’est à dire ce moment mou et allongé choisi pour entrer dans le « changement », il s’est passé bien des choses. Je ne détaillerai pas les formidables révolutions qui se sont opérées au sommet de l’Etat en même temps que le soufflé retombait, après les envolées mélenchonnesques bouffies d’espoir, après les lamentables embardées sarkozyennes.

 

Je repartirai d’un fait. Le tweet-scud de Mademoiselle First a montré l’incroyable puissance d’un système qui a réellement pris toute sa dimension, en France, lors de cette période de campagne. Ce petit pépiement shakespearien et fielleux marquera pour longtemps, bien rangé dans la grande bibliothèque des turpitudes. Twaranoia-Twitter-pire-que-Big-Brother h607

 

Car Big Brother, ce gros con mythique et dégoûtant, ce lourdaud fantasmé dont l’ombre nous faisait peur quand nous frissonnions aux fascismes qui nous menaçaient forcément,  est vraiment là. Il est tout petit et tout bleu. Non, ce n’est pas un Schtroumpf. Il s’appelle twitter. Big Brother n’est pas la créature d’une maléfique volonté totalitaire. Big Brother is us. C’est nous tous, en informant nos followers eux-mêmes followés, en révélant les petits coups tordus, en dénonçant – veni, vidi, Vichy -, en balançant, en relatant, en étant là où on ne devrait pas être, qui, chacun apportant nos yeux au monstre, le construisons, le faisons vivre, le nourrissons.

Prises de positions, maladresses de langage, engagements adolescents, colère ou v-aimances, amours momentanées, affinités particulières, coups de blues : autrefois, en vivant, en se frottant au monde et aux autres, on laissait des petites traces (empreintes, coups de griffe, coups de boule, indices probants) qui disparaissaient, faisaient l’écume des temps, s’évanouissaient. Comme des desquamations qui se perdaient, voletaient aux vents qui tournent. Aujourd’hui, toutes ces petites traces, digitalisées, se gravent à jamais dans la grande mémoire universelle, bien rangées et accessibles.

 

Allons plus loin : la collusion de la technologie, du voyeurisme et de l’exigence de transparence va, à un moment donné (comme on dit maintenant, lequel moment ? j’en sais rien, mais donné), probablement rendre impossible de faire de la politique. Car la politique ne peut s’accommoder tout à fait de la transparence, et en aucun cas d’immobilisme. La politique est une intelligence créative c’est-à-dire une capacité à s’adapter à une situation, à la transformer, à ne pas voir la réalité pour en inventer une autre, à hiérarchiser en dépit du bon sens pour proposer autre chose. L’oubli (erase, delete) est une des conditions de la survie. Or voici que définitivement, on nous plombe à nous raviver la mémoire, à nous prendre pour des outres  remplissables ad vitam aeternam.  Gavés hoquetants gigaoctets.

 

Changer : d’idées, de certitudes, de vision, est-ce que ce n’est pas la vie ? Or désormais, tout ce que vous avez fait et dit peut être retenu contre vous, et si parce que vous avez dit et fait quelque chose, vous n’avez plus le droit de dire et de faire autre chose, c’est l’idée même de la trajectoire, de la dynamique qui est en question.

 

Même la belle invite liminaire d’Ecce Homo («  Wie man wird, was man ist »), (Comment devenir ce que l’on est), perd tout objet : il faudrait donc l’être, ce que l’on est, tout de suite. Mais à quel âge ? A vingt ans ? A trente ? Avant, n’avoir rien fait, rien dit, rien écrit ?

 

Qui est le vrai de Gaulle ? Celui qui, en 1921, à 31 ans, appelait son fils Philippe en hommage à son modèle, Pétain ? Ou celui qui en 1940, à 50 ans, inventait une France arc-boutée contre son anti-modèle, Pétain ? Vous me direz que ce n’est pas de Gaulle qui a changé, mais Pétain. Mais qui est le vrai Pétain ?

 

Être fidèle à soi-même, en un mot être intègre, est compatible avec l’évolution. Laissons le créationnisme aux tea-parties. Et regardez Hollande : il redevient ce qu’il était (gros) tout en prenant une forme d’épaisseur qu’on ne lui connaissait pas. Ne l’appelez plus jamais Flanby.

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B
<br /> Brillant, comme d'habitude !<br />
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V
<br /> <br /> Merci Bruno!<br /> <br /> <br /> <br />