Avant de dire « les personnes » (« les perseunnes», plutôt, tellement aujourd’hui on a peur de faire sonner les voyelles), on disait « les gens ». C’était qui les gens? C’était nous, c’était vous, c’était moi, c’était eux. Les personnes ce sont des individus, des êtres fragiles, donc à protéger, à différencier, à ne pas stigmatiser; de petite taille, de grande taille, à mobilité réduite, transgenre, LGTB, de gauche, de droite.
Toutes ces personnes, c’est l’éclatement de ce que nous sommes. La société, qui a tout remplacé, et qui maintenant est au centre de toutes les attentions, est faite de ces personnes, ou plutôt du vide qu’il y a entre elles.
Un des enjeux de la présidentielle qui vient avec fracas, ce serait de réhabiliter les gens. Pas le peuple, pas les castes, pas les communautés : les gens. Se voir et voir le corps social comme un ensemble, un commun, une indifférenciation qui faisait du bien, avant qu'on se pose les questions qui divisent, que les minorités tonitruantes, totalitaires, destructrices, prennent le pouvoir, hachés menu que nous sommes par les postures des uns, les combats des autres, les luttes qui s'intercoupent.
Et puis le mot s'entend aussi bien au masculin qu'au féminin : les gens sont gentils, les gens sont cons, mais il y a aussi les bonnes gens, les vraies gens. Tout le monde devrait être content.
Je me demande simplement comment toutes ces personnes si distinguées pourront modestement redevenir des gens.