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Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.

FAUST CE QU'IL FAUT

On débattait l'autre jour sur mon mur Facebook de "l'éternelle jeunesse" de Michel Audiard dont on fête le centenaire, vendue par un papier du Figaro, et je m'élevais contre cette idée. Audiard appartient à l'ancien monde. Arthur Rubinstein aussi, semblait appartenir à l'ancien monde à la fin des années 70, quand il jouait cet impromptu à près de 90 ans. Et pourtant, quelle fraîcheur, presque quelle jeunesse! La gestuelle économe mais si vive, si déliée. Et sous les lourdes paupières mi-closes, même ses yeux presque aveugles, vivent encore. Rejouez un scénario d'Audiard aujourd'hui, la scène de la cuisine des Tontons Flingueurs avec des malfrats de maintenant...

C'est la magie de la musique, vivante au bout de ses doigts, vivante à nos oreilles, dans notre temporalité immédiate, hic et nunc, sans que notre raison ait besoin d'intervenir. L'émotion pure dont le pianiste est le truchement. La musique anime l'interprète qui l'anime à son tour, se nourrissant - se repaissant comme d'un philtre faustien - de la jeunesse, ou de l'actualité, du compositeur. Rubinstein dit ici (à 32' 20") de la musique qu'il aime qu'elle est celle "qui marche à côté de (lui)". Hic et nunc, donc.

Le théâtre, me direz-vous, dans ses trois unités, a une temporalité bien définie et une dimension émotionnelle puissante. Mais le comédien est celui qu'il incarne avec sa chair, son sang, ses traits. Et le malaise est bien là quand de vieux acteurs sont commis à figurer plus jeunes qu'eux. Quant au maquillage des acteurs de cinéma, quand on doit les représenter dans leur jeunesse pour les besoins du scénario, il laisse toujours la trace du temps passé, malgré les efforts du chef-éclairagiste. Que Rubinstein ait joué cet impromptu à 150 ans, n'étaient l'agilité de ses doigts et la souplesse de son jeu, n'aurait pas eu d'impact sur notre enchantement. Rubinstein est la machine géniale greffée sur le Steinway dont il est le prolongement.

Une exception en littérature que m'a révélée la lecture de "Le roman inépuisable", l'anthologie érudite et passionnée de Philippe Le Guillou (NRF Blanche): Romain Gary, que la critique avait rangé au placard des gloires éteintes et qui, sous le masque d'Ajar, jouant des mots comme on joue des notes, "interpréta" une œuvre dont tout le monde pensa qu'elle était celle d'un jeune auteur. Tous les mots existent peut-être déjà, toutes les œuvres même non encore écrites dorment sur des étagères que des inventeurs dénicheront. Les inventer, les jouer, nous émouvoir.

 

 

 

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