Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
On vit une époque étrange. Et si nos petits problèmes n’ont rien de commun avec le cataclysme nippon qui, j’en conviens, inviterait à tout relativiser (mais dès lors, qu’est ce qui a vraiment de l’importance ?), j’entends craquer de partout notre société et nos certitudes. Ou alors, nous sortons d’une torpeur, d’une rêvasserie collective.
Ma(ur)rasmes
Le pays légal et le pays réel, ce vieux distinguo … Le barbichu de Martigues prend une deuxième revanche. Pays réel, qui souffre, qui se convulse et pan, qui s’amarine. Pays réel avec tant d’histoire, de racines, de consistance. Pays légal, avec des lois qu’on invente et qu’on vote comme autant de messages à un peuple qui n’en peut plus, avec l’affichage médiatique, la Saint-Nicolas permanente et ses cadeaux de petite semaine : pays virtuel, bientôt, dans l’Europe de M. Van Rompuy, dans la mondialisation malheureuse. Les lois sans décret d’application, sans transcription dans la réalité. L’illusion comique du pouvoir, les machines à penser qui ne pensent plus à rien, les « think-tanks », citernes inutiles qui sonnent creux. Steel bands, plutôt.
Maurras qui s'est si dramatiquement trompé, souvent, avait vu clair dans l’avant-guerre quand la gesticulation politique et l’esprit de Munich emmenaient la France vers le néant. La guerre a jeté le pays dans une terrible réalité, et ses lois ont volé en éclat. Les Trente Glorieuses, ensuite, ont été elles aussi une période de vraie réalité avec l’invention d’une nouvelle République, c'est-à-dire d'une façon de vivre ensemble appropriée à l’époque et s’inscrivant dans l’histoire vécue, avec le miracle de la croissance, avec une redéfinition de l'espace politique français, avec une réelle capacité d'assimilation. Puis la réalité s’est estompée, gommée certains jours d’utopie dans le si beau printemps de 68. Comme si, dès que le confort s’installe, la communauté devait se déliter, mille Nord aimantant mille boussoles. Nous sortons des Trente Indignes. M. DSK, de Washington, son joy stick en main, actionne le grand jeu vidéo de la pitrerie solférinesque, loin, si loin du peuple. Et la « droite de gouvernement » fait semblant de gouverner un pays qui lui échappe, à coup de débats imbéciles qui lèvent des lièvres après lesquels on s'époumonne à courir, à coup de coups de pub cousus de fil blanc, de reportages dans Voici, d’indécence. Ce qui se passe est terrible.
XV virtuel, XV réel : du piédestal à la déculottée
Le rugby. Il était crotté, il rocaillait comme une voix du terroir. Son Europe, celle des peuples, mariait le poulet basquaise et la garbure gasconne au yorkshire pudding et au stout embrumé. Il est aujourd’hui transformé en une course à l’armement bodybuildée, aux contrats mirifiques. A l’internationale marketing qui donne aux athlètes un avatar médiatique qui joue leur propre rôle, mais magnifiés, ne conservant que deux ou trois traits de leur personnalité, comme si leur part humaine avait disparu, ne gardant visible qu’une représentation sur laquelle les marques projettent leur fantasme.
La défaite, hier, de ces pantins mythiques, mités, miteux, chez des Italiens courageux et pleins d’envie les a fait tomber de leur Olympe.