Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
Tiens ça me reprend. Il faut dire que l’actualité est riche. Que les sujets ne manquent pas. Que le redressement essaie d’être productif. Que Montebourg monte au créneau. Qu’Hollande baisse dans les sondages. Que Sarkozy, le sourire en coin, écoute sa barbe pousser et ses anciens adeptes se partager son héritage à coup de formules fines et distinguées. Que les pigeons n’entendent plus se faire plumer. Que les épiciers casher voient les grenades voler. Les choses vont donc bon train. Dans le mur.
Mariage pour tous
« Le mariage pour tous » : quelle drôle de formule, au moment où de moins en moins de gens se marient. Est-ce une opération de propagande pro-natale ? Est-ce le résultat d’un lobbying effréné de Pronuptia et des Dragées Martial pour une baisse des impôts en cas de mariage dans l’année, pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer une pièce montée ? Une campagne de grande cause ? Ce n’est hélas pas ça. Alors c’est quoi l’idée derrière ce concept mi-technocratique, mi-communautariste ? En fait, sous couvert de tolérance, d’ouverture et de « modernité », c’est la confiscation d’un principe quasi universel et vieux comme notre civilisation par un petit nombre, ici et maintenant. Une réinterprétation tordue. On a parfaitement le droit de promouvoir le mariage homosexuel. Mais pourquoi passer par cette expression faussement cucul, vraiment totalitaire ? Pourquoi ne pas promettre aussi le bonheur pour tous ? Voire le décréter ! Dans le règne du prêt-à-penser et d’une écologie politique qui ressemble plus, chaque jour, à du lavage de cerveau, on peut s’attendre à tout.
Vivre ensemble
Dans l’ordre, aussi, du gentil-méchant : le « vivre ensemble » dont ils ont la bouche pleine (en théorie surtout, et surtout pour les autres) : et si on a envie de vivre n’importe quoi, mais pas avec n’importe qui ? Et si on a envie tout simplement de vivre libre? On est en république, non ? Oui, vivre en citoyen distinct des autres, mais citoyen partie prenante, dans cette république laïque qui ne devrait servir qu’à élever et s’élever et qui, avant qu’on la vide de ses lois fondamentales pour en ajouter d’autres, idiotes, superflues, complaisantes, permettait merveilleusement de vivre ensemble, de réussir ensemble, de se battre ensemble, de se foutre sur la gueule ensemble. Quand, peuple de Jourdains, on était ensemble sans le savoir, par delà les classes sociales et les clivages politiques.
Se venger sur la société
Lorsqu’on n’a plus aucune marge de manœuvre sur les grandes questions, aucune prise sur les grands événements, on s’attaque à ce qui, en apparence, ne mange pas de pain : la société, cette pâte si facile à triturer. Mais pas n’importe laquelle : la société française, déjà confite en repentances en tous genres et en auto-flagellation, déjà ébranlée par 40 ans d’expérimentations hasardeuses, de radotages, de rodomontades, de rééducation et de fausse rébellion, et pour finir d’arrogance imbécile. Une société qui a oublié qu’elle était un peuple. Allez demander aux Allemands de se repentir. Proposez aux Anglais d’abdiquer ce qu’ils sont, leur histoire, leur empire et leur conduite à gauche. Grattez les Italiens sur leur intelligence de la situation érigée en système. Vous verrez. Maintenant, écrabouillez la tronche d’un Français. Il est heureux de vous crier : « Encore ». On nous apprend tellement à nous détester ! Et il faudrait "vivre ensemble" avec autant de gens détestables...
Regrets
On regrette parfois le temps où ils s'opposaient, défilaient, astiquaient leurs élites, se lissaient les élytres pour aller bourdonner, vernisser leurs expos, ululer leurs indignations, brûler les icônes des autres. Un équilibre, en quelque sorte, face au professionnalisme d'en face, si répréhensible souvent, qui, en ne niant jamais la réalité, se privait aussi de salutaires et roboratives utopies. Là, on est un peu cul par dessus tête...
Gattopardo
Il y a une époque où l’on pouvait encore la dire avec gourmandise, la belle phrase du vieux prince Salina."Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi!". Si nous voulons que rien ne change, faisons en sorte que tout change. Rassurez-vous : c’est trop tard. Ce serait trop horrible que rien de ce que nous sommes devenus ne change. Mais on peut quand même essayer de tout changer, pas pour que rien ne change, mais pour changer le changement. Marrant, ça, changer le changement. Pour redonner de la perspective, de la fierté, de l’envie, de l’esprit. Refuser la fin de l’histoire béate, refuser la fin de l’histoire béante, ouverte sur le précipice. Revendiquer ce que l’on est, depuis longtemps, et pour longtemps. Je sais, ça suppose un très, très gros changement de changement. Et, en dehors d'écrire ce blog à la portée somme toute moyenne, je ne sais pas par quoi commencer.