Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
Célébrer le cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline.
Céline n’est pas quelqu’un qu’on célèbre. Céline n’est pas un type sympathique. Ce n’est pas quelqu’un qui rassemble, quelqu’un qui nous aime, quelqu’un qu’on aurait aimé connaître, pour peu que l’on eût été, au choix, ou à la fois, français, juif, alcoolique, amoureux de la vie, amateur de cinéma, heureux, bourgeois, honnête. Il faut être d’une très petite confrérie pour vouloir qu’on le célébre comme homme, puisqu’il s’agit des cinquante ans de sa mort. De la mort de sa vraie chair, de ses vrais os, de ce corps dont il nous a raconté les misères. C’est une blague, je me fous de sa mort.
Je suis un bon spécialiste de Céline. Plutôt très bon. Je trouve qu’il y a trop de gens qui l’aiment, de plus en plus. Par imitation, mimétisme, snobisme, imbécillité. Par masochisme, lâcheté, faux courage.
J’entends ceux qui disent : Céline est un immense écrivain, il a révolutionné le roman français. Tu parles : qu’a-t-il changé à la diarrhée éditoriale française, a-t-il empêché que 500 manuscrits indigents trouvent un éditeur chaque année. Djian vend des livres, Musso, Lévy ( Bernard-Henri, Marc) aussi. Personne n’a jamais su écrire comme Céline, il n’a servi à rien. Sa petite musique n’a inspiré personne. D’autres : « C’est un classique ». Mes fesses, un classique. On ne va quand même pas le ravaler au rang de Boris Vian, l’authentique classique que s’est découvert le 20ème siècle.
Célébrer le cinquantenaire de sa mort, c’est le reconnaître après qu'il eut produit son œuvre, ayant vécu, ayant été ce vrai salaud. Ayant été ce qu’il a été. Attendons 2094 pour fêter les 200 ans de sa naissance. Fêter ce qu’il aurait pu être.
Le seul honnête, dans tout cela, c’est Serge Klarsfeld. Il ne veut pas que Céline figure dans la liste des célébrés de 2011. Il n'en démord pas. Il n’en veut pas. Il a raison.
Céline est quelqu’un qu’on ne célèbre pas. Que l’on ne peut pas aimer quand on le lit. Que l’on ne peut pas plaindre, lui qui se plaint tant. C'est quelqu'un vers qui vous n'avez pas de mouvement. C'est quelqu’un qui vous investit, seulement, vous possède, vous assèche. Vous berne, vous nique.Vous emmène.
Un autre grattage : Les boutons, la guerre, version 2011.
On va tourner un remake de « La Guerre des Boutons », cette adaptation du livre de Louis Pergaud paru en 1912. Mais qu’est-ce que va bien pouvoir être la version 2011 de « La Guerre des Boutons »? J’ai revu, il y a peu, le film (pas culte, on arrête) d’Yves Robert sorti en 1962. Une histoire de gamins farceurs et normalement sadiques tout à fait acceptable il y a 50 ans. Laissez faire à des enfants le quart de ce que faisaient les protagonistes de l’histoire, vous êtes directement poursuivi par toutes les ligues, renvoyé en correctionnelle, privé de votre progéniture. En fait, cette vraie enfance, une enfance d’expérience, de cruauté, de tendresse, d’ingénuité, d’imaginaire, de liberté, est une enfance perdue. La mienne. En 2011, quel nouveau héros va-t-on inventer, en plus de Le Brac et de P'tit Gibus, pour faire passer la pilule, pour rendre l’histoire correcte, quelle épice ? Comment va-t-on tenter de rattacher à notre regrettable époque cette histoire marrante pour la rendre acceptable. Pour concurrencer « Neuilly, sa mère », « Les beaux gosses » et le sinistre « Entre les murs », dans la course à la complaisance ?