Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
Le christianisme était une religion, c’était aussi une cause, un engagement. Il n’est plus, ici et maintenant, qu’une survivance, un luxe, un chromo. Un folklore pour ces temps de messes de minuit douceâtres, de veillée s cucul-la-praline et bêlantes et, bientôt, d’épiphanies fourrées à la frangipane. Un support marketing pour foires commerciales, une bénédiction pour marchands du temple en tous genres. Une dégoulinade de lucre.
Cette vieille religion, sclérosée, à bout de souffle, déconnectée du réel, brocardée, vilipendée, au bestiaire entre le bouc émissaire et l’agneau sacrificiel, devenue inutile chez nous pour construire et même pour entretenir, cette machine percluse qui ne crée plus de civilisation, est abandonnée. L’Occident ne convertit plus qu’au libéralisme. Aux deux siècles passés, Adam Smith avait encore besoin de Jésus pour faire son beurre.
Aujourd’hui, blindé de ses certitudes et sans une once de foi, l’Occident deale avec des peuples encore croyants, aux religions plus jeunes (ou plus anciennes) qui, n’étant pas des religions révélées, n’ont pas usé leur Messie jusqu’à la corde , pas encore mangé tout leur pain noir et se collettent encore avec un diable quand nous avons remisé le nôtre au placard à accessoires et au cabinet des curiosités. Ces peuplent désirent, attendent, et désirant, attendant, restent éveillés ; désirant, attendant, espèrent ; désirant, attendant, avalent des couleuvres qui nous apparaissent si ridiculement démodées, mais qui nourrissent une énergie vitale. Une énergie qui fait encore de la politique ou qui fédère les frustrations.
Le christianisme n'étant plus depuis belle lurette une religion d'état, les chrétiens ne seront, naturellement, plus jamais politiquement défendus. Ce n’est pas grave chez nous, pas encore. Mais ça l’est dans ces pays où les chrétiens sont archi-minoritaires et l’étant, avec leur foi en bandoulière, sont désignés à une haine d’autant plus sauvage et imbécile qu’elle est majoritaire et ne demande qu’à être suscitée.
N’étant pas (plus) un vrai peuple, les chrétiens ne se rassembleront pas par solidarité pour défendre les leurs.
Des chrétiens se font massacrer en Egypte, un des berceaux de l’Eglise, en Irak qui abrita la plus grande communauté chrétienne du Moyen-Orient en même temps qu’il fut le plus vieux pays de la diaspora juive, au Nigéria, au Soudan, en Chine, au Viêt-Nam : aucune puissance ne moufte. Quelques phalanges illuminées vont peut-être se lever, quelques scouts prompts à devenir mercenaires vont peut-être proposer leurs services pour d’improbables croisades de Pieds Nickelés. La religion qui a créé le plus d’humanité, tellement plus qu’elle a fait verser de sang en son nom, ne mobilisera plus que des extrémistes quand, en d’autres temps, les gens ordinaires s’indignaient et défendaient ce qui les rassemblait.
Quand une communauté musulmane est attaquée, la réponse est immédiate. Quand des Juifs sont menacés, tout une nation se dresse et demande justice. Facebook frémit, la blogosphère résonne. Essayez de dire à des sikhs que leur barbe ne vous revient pas ou à des Tibétains que le dalaï-lama est un théocrate : une vague de désapprobation enflera sans attendre. Trucidez des chrétiens : on se lamentera mollement. Les chrétiens ne disent plus rien. Sont éteints. Sont terrés, bâillonnés, on ne sait pourquoi furieux d’être qui ils sont. Tiennent des blogs.
En attendant, le calendrier des fêtes nous propose de tirer les rois. Alors tirons, la chasse est ouverte !