Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
Je suis d’humeur guillerette. D’où ce titre dont je n’ai pas honte. Tous ces Delon viennent nous servir à voir quoi ? Eh bien, en même temps, ces jours-ci, à mieux voir l’Eau sauvage de Dior et les lunettes Krys.
Arrêtons-nous sur chacune des campagnes.
L’Eau sauvage est immortelle. Elle surgit de son flacon torsadé depuis 1966, répandant autour de cous auxquels tant de jolies femmes se sont pendues, de frais effluves de jasmin, de citron, de romarin, de basilic et de vétiver. Après le vrai inconnu tête baissée dans ses bras croisés, sortant de son bain, après les faux inconnus mi-masqués par un col roulé (Zidane, Corto Maltese ou Largo Winch), c’est Delon qui est invité dans le concert parfumé. Un Delon magnifique, dans la magie de son physique et le secret de son regard, photographié en … 1966 par Jean-Marie Périer. Impeccable égérie, pour une lovemark qui n’a plus à prouver quoi que ce soit.
La chaîne d’optique Krys, depuis une paire d’années, développe avec l’Agence H, une (jusqu’ici) excellente campagne montrant des gens possédant une caractéristique physique ou un trait de caractère particulier puissamment évoqué ou suggéré, que les lunettes Krys gomment, font passer au second plan. Le leitmotiv, c’est : « Avant j’étais ... » (chauve, blonde, timide, etc.) ou « Avant j’avais… » (de grandes oreilles, une grande bouche, etc.). Là, c’est Delon avec des lunettes Krys. Et c’est quoi le caractère qui distingue Delon ? C’est d’être Delon. Donc … « Avant, il était Alain Delon ». Petite faute de goût, vous ne trouvez pas ? Krys gomme Delon, Krys fait oublier Delon.
Le problème est amplifié par la concomitance des deux campagnes mais aussi par le fait qu’elles utilisent le même média, l’affichage urbain haut de gamme de Decaux : autant le Delon de l’Eau sauvage est immortel, intemporel, autant le Delon de Krys est vieux, ramenard, avec un sourire de faux témoin. Je ne suis pas sûr que ça serve Krys. « Avant, il était Alain Delon ». Bah oui, mon vieux, avant, il était Alain Delon. Avant.