Il y a parti à prendre, partout, sur tout. Il y a avis à donner, opinion à dire, tripes à mettre sur la table. Exprimer sa liberté.
(Un tour de passe-passe : voici le texte de mon "Quartier Libre", dans le numéro 29 de Médias qui paraît ces jours-ci. Retrouvez-le dans notre revue, superbement illustré par Philippe Lagautrière. Achetez Médias!)
« Mon iPhone y était » : cette expression a fait tilt, dans ma tête, à la lecture de l’excellent site www.lesblogsmedias.fr dédié à « l’information des décisionnaires médias ». C’est le nom d’une rubrique dans laquelle les rédacteurs rendent compte des petits et grands événements notables auxquels ils ont participé.
Je vous ai déjà parlé, dans ces colonnes, du « point bleu » cet avatar de soi, vivant sans qu’on le sache sur la planète Google elle-même cachée dans notre smartphone, qu’on est bien content d’être, parfois, pour se retrouver dans le vrai monde.
Et parler smartphone, c’est forcément en venir à parle de l’iPhone d’Apple (même si c’est injuste pour d’autres machines offrant des services proches et qui ont oublié d’être bêtes). Rappelez vous la première et magnifique campagne de Renault pour la Twingo : « A vous d’inventer la vie qui va avec ». Ils avaient conçu une voiture tellement en rupture avec tout ce qui existait qu’ils ne savaient rien dire d’a utre aux gens que « Débrouillez vous avec, la vie va être formidable ». Avec l’iPhone, cet ovni, c ’est un peu pareil. Son apparition sur terre a créé une vie jusque là inconnue. Autour de l’iPhone, un monde nouveau s’est organisé, un écosystème s’est créé, de même qu’une communauté humaine diverse, hétéroclite, mais fédérée par ces 137 grammes de technologie chic et aimable.
Cet objet qui n’est plus un téléphone alors que tous ses concurrents en sont encore un, peut être assimilable à un morceau de soi, qu’on a bourré de tout ce qu’on est, de tout ce qu’on aime : sa musique, ses amis, ses relations d’affaires, ses photos. Parfaitement lisse, glossy à souhait, notre iPhone est un miroir de nous-mêmes. Pour peu qu’on le manipule, il porte même nos empreintes digitales…
Avec ses applications, futiles ou utiles, il est notre poisson-pilote, il est nos antennes, capable de connaître la météo, de repérer les radars sournois dénoncés par d’autres amis iphonistes, de trouver la station-service la plus proche quand on est au bord de la panne, sans parler de l’incroyable éventail de services que des Géo Trouvetou modernes inventent chaque jour avec plus ou moins de bonheur.
Poussons l’affaire : et si l’on postulait que c’est un organe qu’on s’est greffé et qui a une forme d’autonomie ? On lui fait tellement confiance. Sommes-nous aux aguets, notre curiosité est-elle éveillée, arrive-t-il quelque chose ? Son petit œil rond voit ce que nous voyons, voire ce que nous ne voyons pas si nous l’orientons habilement. Une minute plus tard, au lieu d’être seulement stockée dans notre mémoire-passoire et sélective, la scène peut se retrouver sur Facebook ou arriver dans n’importe quelle rédaction pour y être relayée, commentée, amplifiée.
« Mon iPhone y était » : bien sûr, j’y étais aussi, mais c’est lui qui a tout vu, tout enregistré, détecté « les choses cachées derrière les choses ». Ne nous étonnons pas de l’explosion des vocations de reporters sans œillères, de millions d’Albert Londres branchés (le rapport de force est inégal, il n’y a que 37 000 cartes de presse en France !) qui, aidés par une technologie amicale et incitatrice, fournissent immédiatement l’info.
Pour peu que vous soyez un peu Goethe et que l’événement auquel vous assistez soit aussi épatant que la bataille de Valmy, vous constaterez que« de ce jour et de ce lieu date une nouvelle époque dans l'histoire du monde, et vous pourrez dire : mon iPhone y était ».